samedi 30 janvier 2016

Alexandre Jacob, journal d'un anarchiste cambrioleur

de Vincent Henry et Gaël Henry


Début du XXème siècle. Le procès d’Alexandre Jacob et de ses camarades se tient au Palais de Justice d’Amiens. Ils sont accusés de plus de trois-cent vols par effraction. Alexandre Jacob qui se définit comme anarchiste-cambrioleur en profite pour transformer les débats en tribune politique.

« En un mot il m’a répugné de me livrer à la prostitution du travail. La mendicité c’est l’avilissement, la négation de toute dignité. Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend. »

Alexandre Jacob, né à Marseille, embarque très jeune sur des bateaux de commerce. Il fait le tour du monde et découvre les inégalités et l’exploitation. Revenu en France, il épouse la cause anarchiste à laquelle il reste fidèle jusqu’à sa mort en 1954. Si Jacob est un voleur, ils ne volent que les riches qui sont du côté de la loi, de l’Eglise, de la politique et du sang. Et c’est pour « donner aux pauvres » et au mouvement anarchiste. L’argent va ainsi servir à financer journaux militants, campagnes politiques… 

La trajectoire de cet aventurier, qui inspira le personnage d’Arsène Lupin à Maurice Leblanc, est ici restitué avec éclat par Vincent Henry au scénario et Gaël Henry aux pinceaux. Mais contrairement au « Gentleman-cambrioleur », Jacob revendique son enracinement social et son engagement. Le scénario est chronologique. Il est jalonné par les moments importants de la vie d’Alexandre Jacob… Le procès qui l’enverra au bagne de Cayenne, constituant un temps fort de l’ouvrage. A chaque péripétie, chaque épreuve, le personnage est ainsi porté par son combat politique.

Le graphisme en noir et blanc, qui s’inspire des dessins de presse de la fin du XIXème, donne au récit tout son relief. Les visages proches de la caricature et les décors vite brossés s’accordent à l’ambiance de l‘époque et à ce personnage haut en couleur. L’humour n’est pas en reste. Et on sourit plus d’une fois aux grimaces du juge qui s’étrangle devant le discours tenu par Jacob quand il comparaît à la barre.
Le propos très politique, comme le souligne la citation inscrite sur la quatrième de couverture « La propriété, c’est le vol ! », résonne encore aujourd’hui. Et l’histoire de « ces travailleurs de la nuit » depasse la simple biographie ou le roman d’aventure pour nous immerger dans une la lutte des classes telle qu’elle a pu exister au début du siècle dernier.


Fiche technique :
Scénario : Vincent Henry
Dessin : Gaël Henry
Editeur : Sarbacane

156 pages

vendredi 29 janvier 2016

L'interview BD : POZLA (Partie 2)

Rencontre avec Pozla, dessinateur de la trilogie "Monkey Bizness" (le dernier tome n'est pas encore paru) et auteur de "Carnet de santé foireuse" paru à l'automne 2015. Deuxième partie de l'interview où il est question de sa dernière création !







Durée : 6mn58
Interview et montage : Mathieu Krim
Image : Cécilien Djerad
© Editions Delcourt, 2015 - Pozla
2016 © Association Bulldog-Des images et des bulles

jeudi 28 janvier 2016

L'Interview BD : POZLA (Partie 1)

Rencontre avec Pozla, dessinateur de la trilogie "Monkey Bizness" (le dernier tome n'est pas encore paru) et auteur de "Carnet de santé foireuse" paru à l'automne 2015. Première partie de cette interview où il est question de graphs, de mise en couleur et de punk attitude !







Durée : 5mn24
Interview et montage : Mathieu Krim
Image : Cécilien Djerad
© Editions Delcourt, 2015 - Pozla
2016 © Association Bulldog-Des images et des bulles

mardi 26 janvier 2016

Le monde d’Aïcha - Luttes et espoir des femmes au Yémen

de Ugo Bertotti

C’est l’histoire d’Aïcha, de Sabiha, d’Hamedda ou encore de Fatin… Ces femmes yéménites mènent depuis quelques années un combat courageux pour leur émancipation. Dans un pays rongé par la misère, tendu par les traditions religieuses, handicapé par un faible niveau d’éducation, les mariages précoces et les violences des hommes sont courants.

En s’inspirant des images et du travail documentaire de la reporter-photographe Agnès Montanari, Hugo Bertotti dessine un nouveau visage du Yémen. Celui d’une révolution en marche où les femmes luttent pour faire valoir leurs droits et leurs libertés.

L’ouvrage s’ouvre sur une photo, celle de Sabiha, le visage couvert d’un niqab, un voile qui ne laisse apparaitre que les yeux. A la page suivante, on retrouve cette image sous la forme d’un dessin accompagnée d’une petite explication sur les origines de ce voile. Le Coran ne précise pas s’il est obligatoire Fard, ou simplement suggéré Mustahabb.

« Dans le doute il est suggéré à la femme d’évaluer elle même,
en tenant compte des circonstances et notamment du fait que l’homme
est habitué depuis des siècles à la voir couverte. »


Tout est dit. Le poids de la tradition et du pouvoir masculin. La difficulté de s’en émanciper.
Et pourtant, tout l’objet de cette bande-dessinée documentaire est de montrer qu’au Yémen aujourd’hui, des femmes s’opposent à cette fatalité.  Qu’elles soient mariées de force à l’âge où l’on va encore à l’école, étudiante ou mère de famille… Chacune à leur manière tente de se libérer de l’emprise des hommes. Et c’est dans l’intimité des maisons fermées aux regards extérieurs, qu’Agnès Montanari raconte, sous la plume d’Hugo Bertotti, ces femmes, leurs désirs, leurs rêves, et leurs blessures.

C’est une plongée passionnante et respectueuse dans ce pays qui est l’un des plus pauvres au monde. La narration est servie par un dessin en noir et blanc fait de grands aplats, qui soulignent ces silhouettes tout de noir vêtues, des femmes portant le Niqab. Selon les mots de l’auteur, « ces oiseaux mystérieux, ces ombres noires que l’on croise dans les rues de Sanaa et qui ne diffèrent que par leur taille ».

Ce bel ouvrage donne un éclairage différent et indispensable sur un pays dont on aurait presque oublié l’existence tant il est absent des écrans et des ondes.


Fiche technique :
Récit : Hugo Bertotti
Inspiré des impressions de voyage d’Agnès Montanari
Editeur : Futuropolis

145 pages





samedi 23 janvier 2016

Maudit Allende

de Jorge Gonzales et Olivier Bras

Après le coup d’état militaire du 11 septembre 1973 qui sonna le glas des espoirs d’un Chili socialiste, Léo a été éduqué dans le culte du sauveur de la nation, le général Augusto Pinochet. Trente ans plus tard, dans les années 2000, Léo part travailler à Londres. Il y découvre une version très différente de l’Histoire telle qu’on lui a inculquée : celle d’une tentative démocratique pour changer la société chilienne avortée dans le sang…


Futuropolis publie avec cet ouvrage un album majeur de cette année 2015.  Inclassable, ce roman graphique est d’abord d’une grande beauté plastique. Le trait de Jorge Gonzales, dessinateur argentin qui vit et travaille en Espagne, est à la fois doux et violent. Il alterne des pages très sombres qui correspondent à la période de la dictature et d’autres moments plus légers.

Maudit Allende, c’est le récit d’une prise de conscience, celle de Léo. L’album raconte à travers le parcours du jeune homme, l’Histoire du Chili. La famille de Léo, contrairement à beaucoup de Chiliens de l’époque n’a pas fui à la dictature de Pinochet mais s’est exilée en Afrique du Sud après l’élection de Salvador Allende, craignant la mise en place d’un régime socialiste. C’est bien plus tard que Léo découvrira le rôle joué par les deux hommes.


La période des trois années où Salvador Allende a été président du Chili est encore ressentie par le peuple chilien comme une blessure dont on ne guérit pas. Comment trouver le chemin de la vérité ? Quels rôles véritables ont joué Allende et Pinochet ?... C’est à ces questions que Léo, le narrateur répond en donnant sa propre version, étayée par les recherches et les rencontres qu’il fait.


Le titre trompeur “Maudit Allende” pourrait nous faire croire que les auteurs ont choisi le camp du dictateur. A la lecture de l’album pourtant, on est à chaque page convaincu de la justesse de la démarche et des idées du président élu démocratiquement. Alors “Maudit Allende”, sonne plutôt comme la déception d’une grande occasion manquée. Celle d’un pays qui avait fait le choix de la voie du progrès et de l’émancipation.


Fiche technique :
Récit : Olivier Bras
Dessin et peinture : Jorge Gonzales
Editeur : Futuropolis
124 pages




mercredi 20 janvier 2016

Robert Moses - Le maître caché de New-York

de Pierre Christin et Olivier Ballez

Robert Moses fut celui qui de 1930 à 1970 remodela le visage de New-York. Avec lui, c’est la mise en place des gigantesques autoroutes de New York, des ponts, des parcs, des parkings, des buildings. D’abord adulé puis totalement contesté, cet homme aura néanmoins marqué l’architecture de New York pour longtemps.

Le vétéran Pierre Christin au scénario, accompagné du plus jeune Olivier Ballez aux crayons, s’attachent à retracer la vie d’un homme aussi peu connu qu’il fut puissant et respecté pour son œuvre importante.  Contrairement au Baron Haussmann, grand bâtisseur de Paris au XIXème siècle, qui fut pour Moses, une source d’inspiration constante, l’architecte new-yorkais est très peu connu du grand public. Il joua pourtant un rôle de premier ordre et son influence qui débute avec la démocratisation de l’automobile s’achèvera à la fin des années soixante. Il avait alors engagé des projets pharaoniques de voies urbaines coupant Manhattan en deux qui vont se heurter à une forte opposition. C’est une femme, Jane Jacobs, qui incarne cette résistance à celui qui, durant les années de crise de la ville, sera critiqué pour sa brutalité.


Le trait épais et simple d’Olivier Ballez colle bien au sujet et à l’époque qui est retranscrite ici. Les choix de narration donnent un aspect très documentaire à cette histoire, ce qui parfois empêche d’atteindre un certain registre émotionnel comme cela peut l’être dans une fiction. Et l’on regrette parfois cette distance créée entre le lecteur et Robert Moses. Pour autant, les auteurs présentent un personnage complexe, avec certains côtés sympathiques et d’autres beaucoup moins, notamment quand il affirme ne pas aimer les pauvres et les mépriser. Ce qui ne l’empêchera pas de construire des logements, des piscines et autres grandes réalisations pour les classes populaires.


L’album est chronologique. Au début de sa carrière, Robert Moses semble s’opposer aux puissants pour affirmer son point de vue… Puis l’âge venant, il devient lui même l’un des grands décideurs de la ville jusqu’à son déclin… L’architecte meurt en 1981 dans l’indifférence…

Cet album qui lui rend hommage rappelle qu’à travers l’ensemble de ses réalisations, il est un des rares à avoir façonné la «grande pomme».


Fiche technique :
Scénario : Pierre Christin
Dessin : Olivier Ballez
Editeur : Glénat
98 pages





lundi 18 janvier 2016

Tungstène

de Marcello Quintanilha

Salvador de Bahia, Brésil. Les chemins de quatre habitants de la ville se croisent au pied du fort de Notre Dame de Monte Serrat. Caju, dealer, M. Ney, militaire à la retraite, Richard, policier brutal et sans scrupules, et Keira sa petite amie avec qui il vit une relation chaotique, se retrouvent tous impliqués dans un incident anodin qui va dégénérer en fait divers.


Dans ce polar brésilien - Marcello Quintanilha est un maître de la BD sud-américaine - tout semble réuni pour que la recette prenne. Des personnages qui cachent leur jeu avant de le dévoiler, d’autres pour qui la violence est un mode de vie… Peu à peu les rouages de cette intrigue implacable se mettent en place : la tension monte inexorablement…

Et pourtant, une volonté de tout dire, de tout montrer vient gâcher le plaisir de la lecture. La construction est très démonstrative et empêche de se plonger véritablement dans l’histoire. Tout commence pourtant bien… Sous un soleil de plomb près du récif, deux hommes pêchent illégalement à la dynamite. Ils vont être surpris par un apprenti justicier et un dealer à la petite semaine… Rapidement le récit s’alourdit… Et si la tension entre les personnages est palpable, on a parfois l’impression d’une lecture qui n’en finit plus… 182 pages ça peut être long…

Le dessin réaliste est plutôt séduisant. Mais le trait des visages est parfois trop appuyé. Et on préférera le mouvement donné aux corps, particulièrement dans les scènes d’action.  Le choix du noir et blanc est surprenant, surtout compte tenu d’une couverture en couleurs, qui semblait annoncer un graphisme plutôt bariolé. C’est un album qui aurait aussi gagné à être édité dans un format plus grand, étant donné la profusion des détails dans les cases.


Fiche technique :
Scénario et dessin : Marcello Quintanilha
Traduit du portugais (Brésil) par Marie Zeni et Christine Zonzon
Editeur : Ça et là

182 pages