dimanche 25 septembre 2016

EXO

de Jerry Frissen et Philippe Scoffoni
T1 : Darwin II  /  T2 : Moon Strike


Dans un futur proche, la NASA pense enfin avoir découvert une exo-planète capable d’abriter la vie. Située à 4 années-lumière de la Terre, Darwin II suscite nombre d’interrogations, et fait immédiatement l’objet d’un projet d’exploration par une sonde spatiale. Au même moment, une station orbitale est traversée par un projectile en provenance de la lune, tuant plusieurs astronautes. Coïncidence ?


Partant d’un pitch plutôt classique dans la littérature et le cinéma de science-fiction, les auteurs mettent en place une narration rythmée et addictive. Les deux tomes sont écrits autour de plusieurs histoires racontées en parallèle : la mission des extra-terrestres, l’expédition sur la face cachée de la lune et les péripéties vécues par Koenig, un responsable de la NASA. Le premier épisode traitait d’une menace venue de l’espace. La suite surprend par la direction qu’elle prend.


Alors qu’on s’attend à une déclinaison d’un récit à la John Carpenter dans « Invasion Los Angeles » ou « The thing », les auteurs suivent une autre piste, en se débarrassant de l’ethnocentrisme propre à la thématique choisie. Une fois le décor planté, la question de la survie et de l’affrontement avec ces entités venues de l’espace est vite dépassée et ouvre sur une perspective inédite et rarement abordée. Le scénario truffé de rebondissements tient en haleine le lecteur et nous laisse à chaque fin de séquence sur un nouveau questionnement.


Coté graphisme, le souci du détail et le réalisme sont à l’honneur. Les personnages sont présentés avant de basculer dans le récit et bien caractérisés. La couleur plutôt saturée est utilisée pour différencier le trait et créer de la profondeur dans l’image. Le découpage des cases est orchestré comme dans un film à grand spectacle.

L’intrigue se situe dans le monde d’aujourd’hui. Pas d’univers parallèle ou d’anticipation futuriste. Les protagonistes, qui font face à ce qui constitue peut-être la plus grande découverte de l’homme depuis des siècles, sont bien nos contemporains.


Tous les ingrédients sont donc réunis pour donner envie de lire la suite et fin de l’histoire. Bonne nouvelle, le tome 3 sort courant 2017.

Fiche technique
Scénario : Jerry Frissen
Dessin et couleurs : Philippe Scoffoni
46 pages / Edition Les Humanoïdes Associés

dimanche 18 septembre 2016

Nuit noire sur Brest

de Damien Cuvellier, Bertrand Galic et Kris


29 août 1937 en rade de Brest, un sous-marin républicain espagnol fait surface au milieu des eaux brumeuses. Il doit accoster pour des réparations.  Très vite un commando franquiste s’organise pour prendre possession du submersible. Ces hommes vont s’appuyer sur des fascistes locaux pour mener à bien leur entreprise.

Ils ont recours aux charmes d’une entraineuse, la belle Mingua proche du commandant du navire, pour exécuter leur plan. Mais voilà que les communistes et anarchistes en tête, s’organisent pour leur resister. Leur mot d’ordre : “No Pasaran ! Mort au facisme !”
L’affaire du sous-marin C2 a été occultée par le déclenchement de la deuxième guerre mondiale qui a suivi. Pourtant, cet episode oublié est révélateur des contradictions du Front Populaire. En effet, le gouvernement de Léon Blum n’a jamais soutenu officiellement la république espagnole alors meme qu’il organisait des livraisons d’armes aux républicains.
Le contrôle du submersible voit les forces nationalistes et fascistes –représentées en France par “la cagoule”- une organisation d’extrême droite qui avait pour but de renverser la IIIème république- s’opposer aux forces de gauche comme dans une répétition de ce qui se jouait alors dans la péninsule ibérique. Brest devient le théâtre d’un ballet où se croisent militants de tout bords, espions, marins et femme fatale.
Le dessin nous plonge dans l’atmosphère des années 30, Damien Cuvillier le dessinateur, jouant des couleurs avec talent, en particulier dans les scènes d’intérieur. Côté scénario, Kris et Bertrand Gallic parviennent à rendre fluide un récit complexe avec de nombreux personnages et péripéties. Le dossier rédigé en fin d’ouvrage par Patrick Gourlay – historien et enseignant - est un prolongement et une mise en perspective passionnante de ce fait historique. Les coauteurs se retrouveront bientôt pour un nouvel album dans lequel il sera à nouveau question de la guerre d’Espagne.

A noter : un film documentaire “L’affaire du sous-marin rouge”, réalisé par Hubert Beasse et diffusé en novembre 2016 sur France 3 –un autre point de vue sur cet évènement-, et un webdocumentaire réalisé par Céline Dréan diffusé à partir du 15 octobre sur les sites web de France Bleu et France Télévision, qui traite du processus de creation de la BD “Nuit noire sur Brest”.




Fiche technique :
Adaptation, Scénario et Dialogues : Bertrand Galic et Kris
D'après Nuit Franquiste sur Brest de Patrick Gourlay
Dessin et couleurs: Damien Cuvellier
Editeur : Futuropolis
80 pages



lundi 1 février 2016

KERSTEN, Médecin d’Himmler

de Patrice Perna et Fabien Bedouel

T1- Pacte avec le mal
T2- Au nom de l’humanité
Juin 1945, Stockholm. Le docteur Felix Kersten tente de faire valoir ses droits à être naturalisé en Suède. Il est accusé de collaboration avec le régime nazi.

Juin 1941. Un train blindé fonce dans la nuit vers le front de l’Est. À son bord : Heinrich Himmler. Lors des séances de soin avec son médecin particulier, le docteur Kersten, le Reichsführer a pris l’habitude de se confier, délivrant des informations capitales sur les plans secrets du Reich. Fort de sa position, Kersten se livre de son côté à un marchandage : en guise d’honoraires, il obtient la libération de prisonniers de guerre. Mais ce pacte avec le diable commence à intriguer Heydrich, chef de la Gestapo et bras droit d’Himmler, qui voit d’un mauvais œil la complicité entre le médecin et son patient. Il soupçonne Kersten d’être un agent allié infiltré...
Avec ce diptyque, Perna et Bedouel lèvent le voile sur un pan oublié de l’Histoire. Felix Kersten est celui qui sera à l’origine du « Contrat pour l’Humanité », sauvant la vie de 60 000 Juifs emprisonnés dans les camps de la mort. Entre fiction et réalité, c’est le parcours incroyable d’un héros très discret dans un thriller noir mâtiné d’espionnage et de lutte de pouvoir.

L’histoire est assez captivante. Et on se prend vite à ce jeu du chat et de la souris où Kersten au mépris de sa vie, va côtoyer Himmler,  ce monstre froid et sanguinaire, dans l’objectif de sauver des vies innocentes. Constitué de longs flash-backs, l’histoire revient régulièrement sur les années d’après guerre, période où Kersten cherchera à faire reconnaître ce qu’il a fait pendant la guerre. Et c’est justement, l’ambiguïté de la position officielle suédoise qui est saisissante : les autorités ne veulent en aucun cas que l’action de Kersten soit reconnue. Heureusement, le docteur a quelques ardents défenseurs qui vont l’aider dans sa quête…

Le dessin réaliste et précis de Fabien Bedouel est trop figé, notamment dans le trait des visages des personnages. Le découpage classique rend bien compte d’une intrigue qui alterne scènes de dialogue et scènes d’actions plus rythmées.


Au final, le sujet est original et rend compte de la complexité des rapports humains, surtout quand il s’agit de mettre en scène Himmler, l’homme qui porte la responsabilité la plus lourde dans la mise en oeuvre de la Shoah. Les camps de concentration et  d'extermination dépendaient en effet directement de son autorité.  Le docteur Kersten recevra plusieurs décorations pour ces actes de bravoure.

Fiche technique :
Scénario : Patrice Perna
Dessin : Fabien Bedouel
Couleur : Florence Fantini
Editeur : Glénat
T1 (48 pages), T2 (48 pages)




samedi 30 janvier 2016

Alexandre Jacob, journal d'un anarchiste cambrioleur

de Vincent Henry et Gaël Henry


Début du XXème siècle. Le procès d’Alexandre Jacob et de ses camarades se tient au Palais de Justice d’Amiens. Ils sont accusés de plus de trois-cent vols par effraction. Alexandre Jacob qui se définit comme anarchiste-cambrioleur en profite pour transformer les débats en tribune politique.

« En un mot il m’a répugné de me livrer à la prostitution du travail. La mendicité c’est l’avilissement, la négation de toute dignité. Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend. »

Alexandre Jacob, né à Marseille, embarque très jeune sur des bateaux de commerce. Il fait le tour du monde et découvre les inégalités et l’exploitation. Revenu en France, il épouse la cause anarchiste à laquelle il reste fidèle jusqu’à sa mort en 1954. Si Jacob est un voleur, ils ne volent que les riches qui sont du côté de la loi, de l’Eglise, de la politique et du sang. Et c’est pour « donner aux pauvres » et au mouvement anarchiste. L’argent va ainsi servir à financer journaux militants, campagnes politiques… 

La trajectoire de cet aventurier, qui inspira le personnage d’Arsène Lupin à Maurice Leblanc, est ici restitué avec éclat par Vincent Henry au scénario et Gaël Henry aux pinceaux. Mais contrairement au « Gentleman-cambrioleur », Jacob revendique son enracinement social et son engagement. Le scénario est chronologique. Il est jalonné par les moments importants de la vie d’Alexandre Jacob… Le procès qui l’enverra au bagne de Cayenne, constituant un temps fort de l’ouvrage. A chaque péripétie, chaque épreuve, le personnage est ainsi porté par son combat politique.

Le graphisme en noir et blanc, qui s’inspire des dessins de presse de la fin du XIXème, donne au récit tout son relief. Les visages proches de la caricature et les décors vite brossés s’accordent à l’ambiance de l‘époque et à ce personnage haut en couleur. L’humour n’est pas en reste. Et on sourit plus d’une fois aux grimaces du juge qui s’étrangle devant le discours tenu par Jacob quand il comparaît à la barre.
Le propos très politique, comme le souligne la citation inscrite sur la quatrième de couverture « La propriété, c’est le vol ! », résonne encore aujourd’hui. Et l’histoire de « ces travailleurs de la nuit » depasse la simple biographie ou le roman d’aventure pour nous immerger dans une la lutte des classes telle qu’elle a pu exister au début du siècle dernier.


Fiche technique :
Scénario : Vincent Henry
Dessin : Gaël Henry
Editeur : Sarbacane

156 pages

vendredi 29 janvier 2016

L'interview BD : POZLA (Partie 2)

Rencontre avec Pozla, dessinateur de la trilogie "Monkey Bizness" (le dernier tome n'est pas encore paru) et auteur de "Carnet de santé foireuse" paru à l'automne 2015. Deuxième partie de l'interview où il est question de sa dernière création !







Durée : 6mn58
Interview et montage : Mathieu Krim
Image : Cécilien Djerad
© Editions Delcourt, 2015 - Pozla
2016 © Association Bulldog-Des images et des bulles

jeudi 28 janvier 2016

L'Interview BD : POZLA (Partie 1)

Rencontre avec Pozla, dessinateur de la trilogie "Monkey Bizness" (le dernier tome n'est pas encore paru) et auteur de "Carnet de santé foireuse" paru à l'automne 2015. Première partie de cette interview où il est question de graphs, de mise en couleur et de punk attitude !







Durée : 5mn24
Interview et montage : Mathieu Krim
Image : Cécilien Djerad
© Editions Delcourt, 2015 - Pozla
2016 © Association Bulldog-Des images et des bulles

mardi 26 janvier 2016

Le monde d’Aïcha - Luttes et espoir des femmes au Yémen

de Ugo Bertotti

C’est l’histoire d’Aïcha, de Sabiha, d’Hamedda ou encore de Fatin… Ces femmes yéménites mènent depuis quelques années un combat courageux pour leur émancipation. Dans un pays rongé par la misère, tendu par les traditions religieuses, handicapé par un faible niveau d’éducation, les mariages précoces et les violences des hommes sont courants.

En s’inspirant des images et du travail documentaire de la reporter-photographe Agnès Montanari, Hugo Bertotti dessine un nouveau visage du Yémen. Celui d’une révolution en marche où les femmes luttent pour faire valoir leurs droits et leurs libertés.

L’ouvrage s’ouvre sur une photo, celle de Sabiha, le visage couvert d’un niqab, un voile qui ne laisse apparaitre que les yeux. A la page suivante, on retrouve cette image sous la forme d’un dessin accompagnée d’une petite explication sur les origines de ce voile. Le Coran ne précise pas s’il est obligatoire Fard, ou simplement suggéré Mustahabb.

« Dans le doute il est suggéré à la femme d’évaluer elle même,
en tenant compte des circonstances et notamment du fait que l’homme
est habitué depuis des siècles à la voir couverte. »


Tout est dit. Le poids de la tradition et du pouvoir masculin. La difficulté de s’en émanciper.
Et pourtant, tout l’objet de cette bande-dessinée documentaire est de montrer qu’au Yémen aujourd’hui, des femmes s’opposent à cette fatalité.  Qu’elles soient mariées de force à l’âge où l’on va encore à l’école, étudiante ou mère de famille… Chacune à leur manière tente de se libérer de l’emprise des hommes. Et c’est dans l’intimité des maisons fermées aux regards extérieurs, qu’Agnès Montanari raconte, sous la plume d’Hugo Bertotti, ces femmes, leurs désirs, leurs rêves, et leurs blessures.

C’est une plongée passionnante et respectueuse dans ce pays qui est l’un des plus pauvres au monde. La narration est servie par un dessin en noir et blanc fait de grands aplats, qui soulignent ces silhouettes tout de noir vêtues, des femmes portant le Niqab. Selon les mots de l’auteur, « ces oiseaux mystérieux, ces ombres noires que l’on croise dans les rues de Sanaa et qui ne diffèrent que par leur taille ».

Ce bel ouvrage donne un éclairage différent et indispensable sur un pays dont on aurait presque oublié l’existence tant il est absent des écrans et des ondes.


Fiche technique :
Récit : Hugo Bertotti
Inspiré des impressions de voyage d’Agnès Montanari
Editeur : Futuropolis

145 pages