mardi 29 septembre 2015

Centaurus

T1 – Terre Promise
de Léo, Rodolphe et Janjetov

Dans un vaisseau-monde, un petit groupe est désigné pour participer à une mission d’exploration sur une planète qui pourrait être le salut de ces derniers terriens. Après avoir traversé l’immensité de l’espace pendant 400 ans, ils croient enfin atteindre leur but. Ils envoient donc un petit groupe en reconnaissance…
Sur un canevas déjà largement éprouvé… Les derniers terriens partis à la conquête d’une autre terre, les scénaristes Léo (Les mondes d’Aldebaran), et Rodolphe (Kenya/Namibia) mettent en place un récit efficace où les surprises et le suspens ne manquent pas.
Au dessin, Janjetov (Les technopères/Avant l’Incal) met tout son savoir faire au service du propos. Utilisant une palette de couleur déjà vu dans ses réalisations précédentes, il a le souci du détail, particulièrement quand il s’agit de dessiner le vaisseau spatial ou autre éléments technologiques.

Le récit se déploie donc pour installer des décors imposants et introduire une galerie de personnages qui sont autant d’archétypes. Ce premier épisode répondant d’abord au souci de mettre en place le début d’une grande série. Le contrat est rempli. Et la fin de ce premier tome se conclue sur un certains nombres d’interrogations qui incitent à lire la suite. 

Un début prometteur pour une bande dessinée qui gagnerait à sortir des sentiers battus du genre emprunté ici.

Fiche technique
Scénario : Rodolphe / Léo
Dessin : Zoran Janjetov
Couleurs : Zoran Jr. Zanzetov
Collection : Néopolis
Edition : Delcourt

mardi 22 septembre 2015

Undertaker - Le mangeur d'or

de Ralph Meyer et Xavier Dorison

Jonas Crow, croque mort de son état, est sollicité par un ancien mineur, devenu millionaire, pour s’occuper de son propre enterrement. Avant de se suicider, ce dernier avale tout son or pour qu’il disparaisse avec lui dans la tombe. Bientôt la rumeur se répand dans la petite ville de l’Ouest et provoque la fureur des mineurs…
Undertaker, c’est sous ce nom que Jonas Crow est connu. Accompagné de son vautour, il sillonne le pays sur son chariot prêt à enterrer le premier venu pour un steak ou quelques dollars. C’est un homme qui ne s’embarrasse pas de sentiments.

Les auteurs de ce western s’inscrivent dans la lignée des maitres du genre. Le dessin signé Ralph Meyer, se situe dans la veine de Jean Giraud, la référence en la matière. C’est une réussite. Le découpage est fluide, le rythme enlevé. Que ce soit dans les visages ou le traitement des décors, on retrouve l’ambiance des dessins du lieutenant Blueberry.
Côté scénario, on n’est pas en reste. Xavier Dorison, se réapproprie les codes du genre. Et nous propose là une belle variation autour du Farwest avec ce qu’il faut de bagarres, de têtes cassées et de répliques cultes. Le personnage principal, drôle et mordant passe son temps à inventer des citations « bibliques ». Comme cette réplique alors qu’il est dans une situation critique :

« Dieu a dit : tu éviteras de faire chier un type qui braque un calibre 44 
sur toi. Et pour une fois … Feriez mieux de l’écouter»
Les personnages secondaires sont traités avec soin et chose plutôt rare pour un western, les figures féminines sont à l’honneur. Rose la jeune et jolie comptable du millionnaire et Mademoiselle Lin, sa gouvernante chinoise, tiennent ici un rôle important. Quant au héros, la fin de ce premier épisode lève le voile sur quelques unes de ses zones d’ombres. Et surtout, elle nous laisse entrevoir une suite pleine de promesses.
Undertaker, une série à suivre.


Fiche technique
Dessin : Ralph Meyer
Scénario : Xavier Dorison
Couleurs : Delabie / Ralph Meyer
56 pages
Edition : Dargaud

jeudi 17 septembre 2015

Fraternités

1792, L’ORDRE GUILLOTINE

Septembre 1792, Paris est en ébullition. La monarchie vit ses dernières heures et s’apprête à céder devant la République, mais, déjà, des hommes complotent pour renverser le jeune régime. Leur atout : le propre cousin du roi déchu. Leur cible : les francs-maçons, qu’ils entendent accuser de tous les maux de la France. Au même moment, Gaston Baudecourt, rédacteur du journal Fraternités, enquête sur un club qu’il soupçonne d’être anti-révolutionnaire. Il ne tardera pas à apprendre à ses dépens que ses fils et lui sont aussi surveillés…

Ce premier tome d’une série de quatre, mêle habilement la petite et la grande histoire. 1792, c’est l’année de l’exécution du roi Louis XVI -on croise des personnages célèbres : Voltaire, le roi, Choderlos de Laclos…-  mais le récit se concentre surtout sur le parcours de Gaston Baudecourt et de ses fils. Membre d’une loge maçonnique, la loge des « neufs sœurs », ils vont devoir faire face à un secret de famille qui remonte à 1778. La période révolutionnaire et la franc-maçonnerie servent ici de toile de fond à une intrigue qui, en se concentrant sur les Baudecourt, apporte une vraie dimension humaine et dramatique.

Si la narration est parfois complexe – références historiques obligent-, le dessin de Ramón Rosanas est quant à lui assez classique. D’une lecture fluide plutôt agréable à lire, ce premier tome, sans révolutionner le genre, se situe dans la lignée des productions habituelles de la bande dessinée historique.


1804 – L’ORDRE MANIPULE

Dix années ont passé, mais politique, intrigues et ambitions sont toujours au cœur de cette nouvelle intrigue. Gaston Baudecourt est souffrant. Paul, l’ainé de ses fils, a disparu depuis près de onze ans et c’est René, son cadet, qui est devenu le numéro deux du journal. Le puissant ministre de la police, Joseph Fouché, compte bien utiliser Fraternités et les Francs-maçons comme soutiens sans faille à Napoléon Bonaparte dont le sacre est proche. Pour ce faire, Fouché noyaute et surveille toutes les loges maçonniques...
Ce second volume, dessiné cette fois par Bernardo Munoz, poursuit la veine entamée dans le premier tome : on y retrouve les mêmes ingrédients mais l’époque a changé. Une charnière historique –ici, le sacre de Napoléon-, un complot ourdi contre les frères Baudecourt, le journal Fraternités menacé dans ses fondements d’indépendance et de critique du pouvoir en place, une intrigue familiale… La franc-maçonnerie, au centre du récit, est encore une fois objet de déstabilisation de la part des dirigeants politiques.
 
La longue ellipse entre ces deux premiers épisodes peut être déconcertante, mais comme avec le premier chapitre, on arrive ici au terme de la lecture en attendant les prochains albums de la série.

Fiche technique
T1 & T2
Scénariste : Jean-Christophe Camus
Dessinateur :Ramon Rosanas
Coloriste : Dimitri Fogolin
Série : Fraternités
Collection Histoires et Histoires / Edition Delcourt





dimanche 13 septembre 2015

Le constat

de Etienne Davodeau

Ecrasé par la chaleur, le vieux break fonce sur l’autoroute. Vincent, trente ans, vient de tenter un gros coup de poker. Assis à côté de lui, un vieil homme. Il a traversé le siècle, ses contradictions et ses errements. Ces deux types n’ont rien en commun, pourtant, ensemble, ils foncent vers des ennuis et des désillusions qu’ils n’auraient pas imaginés dans leurs pires cauchemars. Heureusement sur leur route, il y a Rose, cette jeune femme sans attaches ni à priori…

Réédité en 2014, cet album est paru pour la première fois en 1996. Préfigurant la suite de l’œuvre d’Etienne Davodeau, « Le constat » emprunte la forme du road movie et du polar, et tout en suivant les codes du genre, il parvient à les dépasser. Vincent veut changer de vie… Abel la retrouver… Quant à Rose, l’autostoppeuse qu’ils croiseront sur leur chemin, elle semble fuir la routine et la monotonie… Ce trio hétéroclite va se retrouver lié et obligé de coexister.
En installant son récit, l’auteur distille peu à peu ce qui fera le sel de ses ouvrages à venir. Raconter l’histoire de ces gens qui a priori n’en n’ont pas. Faire découvrir l’existence de ceux qui sont généralement des oubliés. Peu à peu au fil du récit, les trajectoires des personnages se révèlent les uns aux autres. Et de ces moments partagés, de ces confidences que l’on se fait, émerge la compréhension de l’autre et l’amitié.

Le scénario fait de rebondissements et de révélations est captivant. Lorgnant déjà du côté de la chronique sociale, le dessinateur, alors presque débutant, réussit le pari de tenir le lecteur en haleine. Mais la grande force de Davodeau est surtout de profiter des interstices du récit pour distiller chaleur et humanité. Bienveillant avec ses personnages, sans pour autant les ménager, Davodeau esquisse un monde sans pitié, où pour autant, il n’est pas interdit d’espérer.

Fiche technique
Dessin et scénario : Etienne Davodeau
Editeur : Dargaud
100 pages

mardi 1 septembre 2015

GAZZA 1956 En marge de l'histoire

de Joe Sacco

Joe Sacco, journaliste et auteur, enquête à Gaza sur des évènements qui se sont déroulés en marge du conflit de 1956 qui opposaient l’Egypte à une coalition regroupant l’Angleterre, la France et l’Israël. La Palestine est alors le théâtre de tueries orchestrées par l’armée d’occupation. Ce qui ne constitue que « des notes de bas de page dans les livres d’histoire » selon Joe Sacco, devient ici le récit des évènements survenus dans les localités de Rafah et de Khan Younis.


Pour cela, Sacco s’installe plusieurs mois dans la bande de Gaza et tente de rencontrer ceux qui ont vécu les évènements de l’époque. Composé en deux parties, Khan Younis et Rafah, cet ouvrage nous plonge dans une page ignorée de l’Histoire. Sacco nous fait aussi partager son quotidien en Palestine en traduisant admirablement la vie au jour le jour, ponctuée d’attaques des chars et des hélicoptères, les Palestiniens tués, les maisons de Rafah démolies par les bulldozers israéliens, la difficulté de circuler dans les territoires palestiniens et toutes ses rencontres…


Sa démarche est remarquable car elle met en perspective le déroulement de l’enquête, les difficultés à recueillir des témoignages fiables, ses incohérences parfois, et finalement la grande détresse des Palestiniens qui ont subi cette guerre de conquête. 1956–2005, cinquante ans ont passé et pourtant rien n’a changé. La Palestine est toujours occupée. La pression des colonies israéliennes n’a fait que s’accroitre. Le blocus imposé à Gaza est plus dur encore.



L’une des grandes qualités des dessins de Sacco est de faire le parallèle entre les deux époques. Son trait est d’une rare précision. Il détaille personnages et décors avec la même préoccupation. On peut ainsi mesurer le passage du temps sur les visages, ou le changement des constructions et des paysages. Sacco mêle avec brio la description de la période contemporaine, son enquête et le rappel des faits historiques. Et le lecteur, sur les pas de l’auteur, est guidé dans la découverte de ce pays occupé, à la rencontre de ces personnes pour qui la survie est quotidienne.


Gaza 1956 est sans conteste un ouvrage majeur dans le genre de la BD documentaire. Il a fait date en 2009 au moment de sa sortie et restera comme la référence dans le domaine. Jamais idéologique, questionnant en permanence la cohérence de sa propre démarche, Joe Sacco livre ici un véritable chef-d’œuvre.

Fiche technique
Scénario et Dessin : Joe Sacco
Edition : Futuropolis
Nombre de pages : 424 pages